La pratique artistique dans les camps de prisonniers : le Stalag XII-D
Après la défaite de juin 1940, près de 1,8 millions de soldats français prisonniers sont acheminés vers des camps en Allemagne : les Oflags pour les officiers et les Stalags pour les autres. Beaucoup y passent toute la guerre. Dans de nombreux camps sont pratiquées des activités artistiques, notamment le théâtre et la musique.
Expressions artistiques au Stalag : des activités sous contrôle
Le terme de Stalag recouvre de grandes disparités de conditions d’internement : si dans certains camps les prisonniers sont affectés à des travaux éreintants, l’ennui prédomine dans d’autres. Le développement d’activités artistiques est donc fonction des situations, et dépend entièrement du bon vouloir des autorités de chaque Stalag. Ces dernières ont d’une manière générale intérêt à encourager les activités artistiques qui non seulement distraient les prisonniers, mais qui renvoient également une image positive de leur camp. Cercles de poésie, ateliers de peinture, orchestres ou encore troupes de théâtre voient le jour. Ces activités « officielles », mises en place ou récupérées par les autorités nazies à des fins de contrôle et de propagande sont cependant à distinguer des créations artistiques clandestines, qui sont vécues comme une forme de résistance culturelle.

Entre mai 1940 et mars 1945, Stalag XII-D, Trèves (Allemagne).
© Jean Albert Fortier/fonds Jean Fortier/ECPAD/D0364-002-001-0013
Jean Albert Fortier, photographe de théâtre au Stalag XII-D

Entre mai 1940 et mars 1945, Stalag XII-D, Trèves (Allemagne).
© Jean Albert Fortier/Fonds Jean Fortier/ECPAD/D0364-002-001-0133
Situé près de Trèves, sur la colline de Petrisberg, le Stalag XII-D est connu pour un prisonnier célèbre –- Jean-Paul Sartre -– mais également pour l’activité théâtrale qui s’y développe, de grande qualité. Photographe de métier, Jean Albert Fortier y est interné dès le mois de mai 1940. Affecté au développement des négatifs des photographies d’immatriculation des prisonniers, Fortier est rapidement chargé de photographier les spectacles montés par les prisonniers. Il réalise ainsi des photographies de plateau mais aussi des coulisses, aujourd’hui conservées dans les fonds de l’ECPAD. Destinées à la propagande allemande qui cherche à diffuser l’image d’une « captivité dorée », elles sont à aborder avec précaution du fait précisément de ce contexte de production. Elles attestent cependant de la réalité d’une pratique théâtrale active dans ce Stalag : programmes, costumes, loges, décors témoignent de sa vitalité. La comédie prédomine, mais la programmation reste diversifiée.

Août 1941.
Trèves (Allemagne).
ACICR C SC, Service des camps, RR 237 © CICR

Extrait de L’Âme des camps, Exposition parisienne
Paris, 1944, p. 58.
Source : Bnf/Gallica
Cette commande donne à Jean Albert Fortier l’opportunité de mettre en œuvre une action de résistance clandestine, qui nécessite de subtiliser de la pellicule et de fabriquer un double des clés du bureau pour les utiliser en cachette. Au péril de sa vie, il prend le risque de réaliser des prises de vue du camp pour documenter un quotidien bien différent de celui affiché dans les images de propagande et cartes postales qui sont envoyées aux familles. Il réussit également à prendre différentes vues du camp dans son ensemble.

Trèves (Allemagne).
© CICR. Cette image est issue d’un rapport d’inspection de la Croix-Rouge.

Stalag XII-D. Trèves (Allemagne).
© Jean Albert Fortier/fonds Jean Fortier/ECPAD/D0364-002-001-0005
Pistes pédagogiques
Comparer des images du fonds Fortier
Le fonds Fortier est composé d’images « officielles » commandées par la direction du camp pour un usage de propagande, et d’images clandestines, destinées à témoigner du quotidien des prisonniers. On peut faire travailler les élèves à identifier chacune des catégories, à les classer et à les comparer.
| MOTS-CLÉS | Fortier Stalag XII D | 183 résultats |
Croiser les sources : images et archives du Comité International de la Croix-Rouge (CICR)
Conformément à la convention de Genève, les délégués de la Croix-Rouge visitent régulièrement ces camps par le biais de leurs délégués. Il s’agit d’abord de dresser un état des lieux, puis d’organiser les secours, les envois de colis et de courrier. Les délégués vérifient ensuite l’application des clauses de la Convention de 1929 et recueillent les doléances à ce sujet. Plusieurs rapports de visite sont disponibles en ligne, et notamment ceux du Stalag XII-D. Ces archives sont des sources précieuses et accessibles pour étudier les conditions de vie dans ces camps, et notamment les pratiques artistiques.
Ressources en ligne
Prolongements
Les clichés témoignant de la pratique d’activités artistiques — particulièrement la musique — figurent très souvent dans les reportages photographiques conservés à l’ECPAD relatifs aux camps dans des contextes variés. Ils deviennent des lieux communs insérés dans une mise en scène plus large de la vie quotidienne des internés, visant à établir qu’ils sont bien traités à tous points de vue, dans le respect des règlements internationaux, et à des fins de propagande.
Sur le site ImagesDéfense, afin d’élargir le champ de recherche à d’autres types d’activités artistiques dans d’autres camps, et d’autres contextes historiques, on peut associer dans la barre de recherche le mot-clé « camp » à un terme de pratique artistique ou d’instrument, et d’utiliser si besoin le filtre « période » pour affiner le résultat. A titre d’exemple :
| MOTS-CLÉS | camp orchestre | 109 résultats |