Depuis 1915, le cinéma et la photographie des armées : l’histoire des soldats de l’image

Dans l’urgence de la mobilisation générale, et en réaction à la propagande par l’image engagée par l’Allemagne, le gouvernement français autorise, au printemps 1915, la création des sections photographique et cinématographique de l’armée (SPA et SCA), unies en janvier 1917 sous le sigle de SPCA.

Elle devient le Service photographique et cinématographique de la guerre (SPCG) le 19 août 1918 qui sera finalement dissout en septembre 1919.

Pendant l’Entre-deux-guerres, une Section cinématographique de l’armée (SCA) relevant du Service géographique de l’armée est mise en place dès juin 1920. Suivront des services cinématographiques de la Marine et de l’armée de l’Air en 1936 et 1937.

En septembre 1939, le ministère de Défense nationale et de la Guerre réactive un Service cinématographique de l’armée (SCA), incluant dès lors et de manière définitive la photographie. Les reporters filment et photographient la « drôle de guerre ». La défaite de juin 1940 entraîne le repli du service en zone libre, œuvrant au profit de l’armée d’armistice et du régime de Vichy. Parallèlement, les Forces françaises libres créent une section cinéma et photographie à Londres pour montrer l’action de la France libre. En 1942, le SCA de Vichy installe une antenne à Alger, mais cette dernière fusionne finalement en 1943, après le débarquement des troupes anglo-américaines au Maroc et en Algérie (fin 1942), avec le service de la France Libre. Ces opérateurs vont suivre les combats d’Afrique du Nord et d’Italie, et seront rejoints par les quelques reporters du SCA de métropole en 1944, au moment de la Libération, et jusqu’à la capitulation de l’Allemagne nazie.

Au lendemain de la guerre, en 1946, le Service cinématographique des armées (SCA) devient officiellement interarmées en rassemblant les services de la marine et de l’armée de l’air. Le SCA s’installe au fort d’Ivry-sur-Seine.

Les opérateurs militaires couvrent de nouveaux conflits. Dépêchés en Indochine dès 1945 puis rattachés à partir de 1951 au Service presse information (SPI), les caméramans et photographes du SCA réalisent des milliers de reportages sur la vie des combattants du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO). De grands noms du cinéma et de la photographie font alors leurs premières armes, à l’image de Pierre Schoendoerffer, engagé en 1952, qui filme la bataille de Diên Biên Phu. Après les accords de Genève conclus en juillet 1954, les opérateurs du SCA assistent au départ des forces françaises jusqu’en 1956.

À la suite des événements de la Toussaint 1954, l’armée française est engagée en Algérie. Entre 1954 et 1964, engagés et appelés du SCA assurent la couverture en images des opérations militaires. Rattaché au bureau de l’action psychologique, le SCA d’Alger s’emploie à mettre en valeur la politique de pacification, soulignant les enjeux socio-économiques du pays. En 1960, les équipes du SCA enregistrent les premiers essais nucléaires effectués dans le Sahara, ainsi que les premiers tirs de fusées stratosphériques qui offrent à la France un statut de grande puissance.

Le SCA participe à la promotion et la valorisation de l’armée. Sont alors produits de nombreux films d’instruction, en grande partie destinés aux appelés du contingent, dont le contenu vise aussi bien à enseigner les tactiques du combat qu’à montrer la conduite que chaque soldat doit tenir auprès des populations civiles. Nombre de ces productions sont l’œuvre de futurs grands noms du cinéma, de la télévision et de la photographie. Appelés du service militaire, ils bénéficient de de studios équipés de matériels performantsqui font du SCA un important producteur de cinéma.,. Claude Lelouch, Philippe de Broca, Gérard Pirès, Alain Cavalier ou encore Bruno Podalydès réalisent des films pour le SCA et l’ECPA. Des inventions naissent également au fort d’Ivry : en 1972, Jean-Marie Lavalou et Alain Masseron mettent au point la Louma, dont le dispositif monté sur une grue, célébré par un Oscar technique en 2005, permet à la caméra d’opérer des mouvements fluides et variés dans l’espace.

Au cours des années suivantes, le Service cinématographique de l’armée, rebaptisé à partir de 1961 Établissement cinématographique des armées (ECA), œuvre au profit de la valorisation des armées et de l’industrie d’armement française, dans un contexte international marqué par la guerre froide et la sortie de la France de l’Organisation du traité de l’Atlantique-Nord (OTAN) en 1966.
En parallèle, les opérateurs de l’Établissement cinématographique et photographique des armées (établi en 1969) sont engagés dans les nombreuses opérations extérieures (OPEX). De l’expédition de Suez à Kolwezi, du Tchad au Liban, du Golfe à l’ex-Yougoslavie, des Balkans à l’Afghanistan, les décennies qui suivent voient se succéder les crises majeures où les équipes de tournage de l’ECPA sont déployées pour témoigner des actions menées par l’armée française sur terre, sur mer ou dans les airs, qu’elle soit engagée sous mandats de l’ONU ou de l’OTAN. En 2001, le service change de nom et de statut. Désormais ECPAD, il devient un établissement public à caractère administratif. De nos jours, les équipes image sillonnent les théâtres d’opérations et poursuivent l’œuvre entreprise par les premiers opérateurs du cinéma et de la photographie aux armées. Centre d’archives, l’ECPAD conserve, restaure et valorise l’ensemble de ce patrimoine en images.

En 2022, l’établissement devient un service d’archives définitives du ministère des Armées. Il assure à ce titre les missions d’un service public d’archives telles que définies par le code du patrimoine pour les fonds d’archives audiovisuelles, photographiques et multimédias produits par les services, organismes ou établissements relevant du ministère des Armées, ou reçus par lui à titre de dons, dations en paiement, legs, achats ou dépôts.