1/ Coordinateur des rencontres pédagogiques, des actions scolaires et du cycle cinéma des Rendez-vous de l’histoire, vous quittez vos fonctions après seize années à œuvrer pour ce festival incontournable. Pouvez-vous revenir en quelques mots sur ce parcours ?
Mon parcours dans les Rendez-vous de l’histoire est d’abord lié aux images et au cinéma. En 1998, alors que je suis président depuis deux ans d’une association art et essai, Ciné’fil, je me vois confier par Francis Chevrier qui s’apprête à créer le festival avec le soutien du maire de l’époque, Jack Lang, la mission d’élaborer une programmation de films d’histoire sur le thème « Crime et pouvoir ». Je me lance dans cette entreprise avec la passion et l’enthousiasme du néophyte, ébloui d’inviter Costa Gavras et d’accueillir l‘équipe du film de Radu Mihaileanu, Train de vie, au sein d’une programmation de vingt films. Les années qui suivent me permettent d’élargir la programmation jusqu’à plus de cinquante films, de travailler avec de grandes institutions, la Cinémathèque française, le CNC, l’INA et bientôt l’ECPAD, d’ouvrir le festival à l’historiographie en plein développement de l’histoire des représentations visuelles, avec des historiens comme Antoine de Baecque, Christian Delage, Laurent Véray, Sylvie Lindeperg, Marie Pierre-Bouthier, et de bénéficier de la venue de grands noms du cinéma, Jean-Claude Carrière, Claude Chabrol, Bertrand Tavernier, Marceline Loridan-Ivens, Manoel de Oliveira, etc., et ces deux dernières années, Raymond Depardon et Dominique Besnehard.
Exerçant, au départ de cette aventure, de façon parallèle mon métier de professeur d’histoire-géographie, je veille à proposer une programmation pouvant intéresser les scolaires et leurs enseignants. En 2004, en lien avec cet enjeu éducatif, l’Éducation nationale accepte de me détacher de mon enseignement pour que je puisse assurer la coordination non seulement des actions scolaires, mais aussi de l’ensemble des actions de formation continue des enseignants, que le festival sous l’égide de l’Inspection générale d’histoire va renforcer au cours de toutes ces années. Devenu alors un permanent des Rendez-vous, mes tâches, toujours dédiées au cycle cinéma et aux missions pédagogiques, vont se diversifier et s’intensifier, à la fois dans les relations publiques avec les médias, les partenaires et les mécènes, et dans les échanges avec le monde de la recherche. La création du Prix de l’initiative laïque avec les mutuelles, la coordination du Libé des historiens, la collaboration avec des publications (TDC de Canopé, hors-série du Monde), la création du Lab du jeune chercheur et du Lab de l’enseignant, la création il y deux ans du Prix lycéen du livre d’histoire, la programmation de ciné concerts et de spectacles vivants, dont le temps fort de l’année 2018 reste le « Ciné d’époque 14-18 », reconstitution d’une véritable séance de cinéma orchestrée par Laurent Véray et Magali Goimard, sont pour moi des réalisations marquantes auxquelles j’ai alors le bonheur de contribuer.
2/ L’ECPAD est un fidèle partenaire des Rendez-vous de l’histoire et participe activement à différents temps forts du festival (expositions, salon du livre, tables-rondes, ciné-conférences, ateliers pédagogiques…). Comment s’est construit ce partenariat au long cours et comment a-t-il évolué au fil des éditions ?
Le partenariat avec l’ECPAD doit au départ beaucoup à la dimension pédagogique des Rendez-vous. Une programmation d’ateliers d’analyse filmique s’est construite avec les responsables successifs des actions éducatives de l’ECPAD, Magdalena Mazaraki, Véronique Pontillon, Elise Tokuoka, Catherine Dupuis. Parallèlement s’est mise en place une collaboration dans le cadre du cycle cinéma, avec des programmations de documentaires coproduits par l’ECPAD, souvent en avant-première, et surtout un soutien apporté à la création des deux prix du festival en cinéma : le Prix du projet documentaire, pour lequel l’ECPAD apporte une prestation de post production, et le Prix du documentaire historique, avec une participation de Laurent Veyssière au jury. Ce soutien a parfois pris la forme de l’envoi d’équipes de tournage pour réaliser des reportages sur les éditions, voire des interviews comme en 2008 celle de Jacques Le Goff, ou en 2013 celle d’Amos Gitai. Une dimension supplémentaire s’est ajoutée à partir de 2009, avec la mise en place dans le cloître du conseil départemental de Loir-et-Cher d’expositions des fonds photographiques de l’ECPAD, s’emparant du thème de l’année souvent de façon étonnante, comme en 2014 « Éris et tais-toi », une exposition consacrée aux graffitis lors de l’édition « Les Rebelles ». Des expositions qui sont complétées par des tables rondes, font l’objet de visites guidées, notamment avec les scolaires, et d’une publication depuis 2016 dans la collection « Images en poche ». Enfin la présence au sein du salon du livre d’un stand commun avec la DPMA a permis de valoriser l’engagement du ministère des Armées aux côtés du festival. Ce partenariat au long cours entre l’ECPAD et le festival a été rendu possible grâce à la confiance et à la volonté constructive des directeurs successifs, Isabelle Gougenheim, Christophe Jacquot et aujourd’hui Laurent Veyssière.
3/ Quel regard portez-vous sur les archives de l’ECPAD ?
Les archives de l’ECPAD sont un trésor centenaire inestimable, que ce soient les images tournées par les opérateurs, les films documentaires ou les différents fonds photographiques. Mes visites à l’établissement au Fort d’Ivry restent des moments d’admiration pour la manière dont elles sont conservées, restaurées, et valorisées, par du personnel engagé avec passion dans ses missions.
Parmi mes grands souvenirs de ma coopération avec l’ECPAD figure en premier la renaissance du film de Laurent Roth, Les Yeux brûlés. Consacré au travail des reporters de guerre dans une mise en scène audacieuse, le film restauré fut présenté en avant-première en 2013, en écho au thème de la guerre, par son réalisateur et la comédienne d’origine blésoise Mireille Périer.
Les images présentées dans les expositions ont marqué de leur empreinte chaque édition du festival. Les splendides autochromes de la Grande Guerre (2009), la force visuelle des images profondément humaines (fatigue, souffrance, joie, camaraderie des hommes et des femmes) dans « Sens et puissance des images » (2018) ou la richesse documentaire des images de Français au travail sélectionnées par Lucie Moriceau-Chastagner dans les archives photographiques de la Documentation française (2021) sont pour moi de magnifiques témoignages d’histoire et de mémoire.
La fréquentation des archives au travers des différentes facettes de ce partenariat avec l’ECPAD restera une des plus belles expériences de mon parcours professionnel au service des Rendez-vous de l’histoire de Blois.