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    Le premier tournage de la Section cinématographique de l’armée

    Publié le 21 août 2025

    Le premier tournage de la Section cinématographique de l’armée.
    © ECPAD/Défense

    Le premier tournage officiellement reconnu de la Section cinématographique de l’armée (SCA), créée le 15 avril 1915, a eu lieu le 21 avril 1915 en Lorraine et en Alsace. Ce tournage a été réalisé par les quatre premiers opérateurs recrutés au sein de la Chambre syndicale de la cinématographie : le maréchal des logis Alfred Machin (Pathé), Pierre Périn (ou Perrin) (Gaumont), le caporal Georges Maurice (Éclair) et le soldat de deuxième classe Émile Pierre (Éclipse). Chaque caméraman a filmé simultanément, ce qui explique que leurs images se trouvent dans plusieurs films, conservés à l’ECPAD. Certaines apparaissent dans Armée de Lorraine et Nos dragons en Lorraine, d’autres dans Nos poilus en Alsace, 2e partie et d’autres encore restent à l’état de rushes dans L’armée française en Alsace. Quelques images sont également conservées aux archives Gaumont Pathé, tandis que certaines ont probablement disparu.

    Ce jour-là, les opérateurs accompagnent le général Joseph Joffre, commandant en chef des armées françaises, lors d’une inspection des troupes de l’Est. Ils filment successivement Joffre en déplacement avec les généraux Varin, Lamy et le commandant de Galbert, ainsi que deux cérémonies militaires mettant à l’honneur les chasseurs alpins. La première, le matin à Gérardmer (Vosges), rassemble le 24e bataillon de chasseurs alpins en présence des généraux Dubail, de Maud’huy et de Pouydraguin. La seconde, l’après-midi à Willer-sur-Thur (Haut-Rhin), réunit le 7e bataillon, avec les généraux Dubail, Serret et le commandant Hellé.

    Soulignons que, faute de compte rendu écrit de ce tournage, c’est par une analyse minutieuse des films et un croisement des sources que cet événement fondateur a pu être confirmé.

    Photogramme : Défilé de chasseurs alpins du 7e bataillon à Willer-sur-Thur.
    Dans L’armée française en Alsace.
    Willer-sur-Thur (Haut-Rhin), 21 avril 1915.
    © Pierre Périn/SPCA/ECPAD/14.18 A 627, TC 00 :13 :39.
    Photogramme : À droite un caméraman de la SCA filmé par un autre lors de la revue du 24e bataillon de chasseurs alpins à Gérardmer.
    Gérardmer (Vosges), 21 avril 1915.
    © Eugène Alfred Jean Machin/SPCA/ECPAD/14.18 B 333, TC 00 :13 :26

    La preuve par l’image amateur

    Sur plusieurs pellicules apparaissent des militaires équipés d’appareils photographiques, mais il ne s’agit pas de photographes de la Section photographique de l’armée (SPA), qui n’a été créée que le 8 mai 1915, soit après la SCA. L’un d’eux est un photographe amateur, Louis-Joseph Suchet d’Albufera, chauffeur du général Joffre pendant toute la guerre. Ses 35 photographies, datées et annotées, ont été données en 2012 à l’ECPAD. Elles documentent précisément les événements, montrent les caméramans en action et permettent d’identifier les différentes phases du tournage.

    Ce reportage photographique se divise en quatre moments, également filmés par la SCA :

    1. Sur la route de Rambervillers à Baccarat, avec Joffre, Varin, Lamy et le commandant de Galbert (images dans Armée de Lorraine et Nos dragons en Lorraine)
    2. À Saint-Michel-sur-Meurthe, avec Dubail et de Maud’huy, en route pour la revue et le défilé du 133e régiment d’infanterie (film non retrouvé)
    3. À Gérardmer, le général Joffre passe en revue le 24e bataillon de chasseurs alpins, remet des décorations et assiste au défilé (immortalisé dans Nos poilus en Alsace, 2e partie)
    4. À Willer-sur-Thur, Joffre inspecte le 7e bataillon de chasseurs alpins, remet des décorations et assiste au défilé, en présence de plusieurs généraux et officiers (filmé dans Nos poilus en Alsace, 2e partie et L’armée française en Alsace)
    Willer-sur-Thur (Haut-Rhin), 21 avril 1915.
    © Louis Joseph Suchet d’Albufera/Fonds Louis Joseph Suchet d’Albufera/ECPAD/D197-20-31

    Les caméramans en action

    Les photographies de Suchet d’Albufera montrent clairement les opérateurs de la SCA en train de filmer. Ces images, associées aux films tournés, révèlent que les quatre opérateurs travaillaient côte à côte, filmant les mêmes scènes sous des angles similaires. Ce mode de travail garantissait un traitement équitable entre les quatre maisons de production cinématographique impliquées. Le sous-lieutenant Jean-Louis Croze, responsable de la SCA, décrit cette organisation dans son article « Reportage » (1932). Par la suite, la nécessité d’envoyer les opérateurs sur différents secteurs s’est imposée, ainsi que l’augmentation du nombre d’opérateurs et la présence d’assistants pour gérer le matériel. Parmi les recrues suivantes figurent Joseph Faivre (Éclair), Pierre Baudoin et Edgar Costil (Gaumont).

    Qui filme quoi ?

    Environ 630 mètres de pellicule ont été tournés ce 21 avril 1915, conservés dans cinq films à l’ECPAD. L’identification des opérateurs est partiellement possible grâce aux photographies et aux archives. Alfred Machin est reconnu sur plusieurs clichés et ses images en contrechamp lui sont attribuées. Par ailleurs, la maison de production cinématographique indiquée dans les archives permet d’attribuer certaines images à leur auteur : celles signées Gaumont sont probablement de Pierre Périn, celles signées Pathé d’Alfred Machin. Cette attribution est confirmée par la comparaison des films conservés chez Gaumont Pathé archives et ceux de l’ECPAD.

    Filmer le sujet par excellence

    Ce premier reportage illustre parfaitement les missions initiales de la SCA, définies un mois plus tard et étendues à la Section photographique de l’armée dans une note du général Joffre datée du 9 mai 1915 qui précise que la mission des opérateurs est de réaliser des clichés d’intérêt historique et de propagande : « des clichés intéressants au point de vue historique, au point de vue de la propagande par l’image dans les pays neutres, au point de vue des opérations militaires, pour la constitution des archives documentaires du ministère de la Guerre ». Filmer le général commandant en chef des armées dans un secteur reconquis de l’Alsace et en Lorraine est non seulement un acte inaugural historique mais aussi emblématique, la terre alsacienne étant l’enjeu du conflit.

    La preuve par l’histoire : les revues confirmées par les journaux des marches et opérations

    Enfin, les journaux des marches et opérations (JMO) des bataillons de chasseurs alpins et les historiques abrégés des unités confirment les deux revues militaires à cette date, même s’ils ne mentionnent la présence ni des photographes ni des caméramans.

    Général Puydraguin, général de Maud’huy, général Dubail et général Joffre. T.S.V.P.
    Gérardmer (Vosges), 21 avril 1915.
    © Louis Joseph Suchet d’Albufera/Fonds Louis Joseph Suchet d’Albufera/ECPAD/D197-20-6

    Albane Brunel
    Responsable Fonds Première Guerre mondiale


    Retrouvez les films et les photographies sur Images Défense

    Sources complémentaires

    Joffre Joseph, commandant en chef des armées, Note no 3.527 du général en chef [Joffre] aux généraux commandant les armées, du 9 mai 1915, 1 p. dactyl., archive conservée à la Médiathèque du patrimoine et de la photographie à Charenton-le-Pont, cote 80-074-02, dossier 1 : service des archives photographiques

    Croze Jean-Louis « Reportage » dans l’ouvrage collectif Le cinéma des origines à nos jours, Éditions du Cygne, mai 1932, p. 328.

    Films conservés chez Gaumont Pathé Archives :