Trésors retrouvés n° 2 : les films FT de la Seconde Guerre mondiale
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Archives films
Publié le 19 décembre 2025
Constitution de la collection FT
En 2021, le travail réalisé dans le cadre du Plan de sauvegarde et de numérisation accéléré (PSNA), consacré à l’achèvement de la numérisation de grandes séries de films de l’ECPAD, a également permis de traiter plusieurs centaines de bobines d’une série particulière référencée par le sigle FT (Films titrés).
Constituée dès le début des années 1950, elle rassemble tous les films ne s’insérant pas dans les autres séries. On y trouve ainsi toutes sortes de bobines plus ou moins identifiées : films d’origines diverses, français ou étrangers, rushes de tournage non documentés, films sans titre, chutes de montage, versions différentes de films d’autres séries, etc.
Ces documents, intégrés au fil du temps dans cette série, ont parfois été délaissés par manque d’informations, ou parce que leur visionnage demandait des précautions particulières afin d’en assurer la préservation.
Le PSNA a permis de donner une nouvelle accessibilité à ces images : il est à présent possible de les visionner en ligne, permettant ainsi de les identifier et les restituer dans leur contexte de tournage. Des recherches en profondeur ont pu être effectuées, grâce aux moteurs de reconnaissance d’images par similitude et à la masse d’informations se trouvant sur internet.
© ECPAD/Défense
Les films FT réalisés par le service cinématographique de l’armée (SCA)
Cet article s’intéresse en particulier à une centaine de films datant de la Seconde Guerre mondiale et dont une partie importante s’avère être une production ou des rushes de tournage du SCA.
101 films sont ainsi présentés pour la première fois en version numérique : auparavant dotés d’un titre peu évocateur, parfois même fantaisiste, ces bobines sur support nitrate 35 mm n’avaient que très rarement été sorties des magasins.
© ECPAD/Défense
Cinq documents emblématiques révélés
Si, dans le lot, quelques bobines s’avèrent d’un intérêt modeste, notamment des chutes de montage ou de courtes séquences de rushes, la plupart offrent de nouvelles perspectives aux chercheurs et aux documentaristes.
Sont présentés ici, dans un ordre chronologique, les cinq films les plus emblématiques de cette série et la méthode de recherche ayant permis de les documenter.
FT 949 – Titre de la bobine : Chars d’assaut.
Ces rushes de tournage ont été documentés tout d’abord grâce à la reconnaissance d’images par similitude sur internet. Une capture d’image de la rue principale qui voit passer le défilé a ainsi permis d’identifier rapidement le lieu du tournage : Aubigny-sur-Nère (Cher).

Fête du 41e bataillon de chars de combat (41e BCC).
Aubigny-sur-Nère (Cher), février-mai 1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 949

© Auteur inconnu/Lemaire fils, éditeur
Puis, les images représentant visiblement un bataillon de chars, une recherche sur internet a débouché sur un article du Journal de Sancerre du 10 février 1940 intitulé « Aubigny – La fête du 41e bataillon de chars » en ligne sur Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France (BnF), qui a permis de relater l’événement.




Il s’agit de la prise d’armes du dimanche 4 février 1940 à Aubigny-sur-Nère, afin de remercier la population de l’accueil fait au 41e bataillon de chars de combat (41e BCC). L’article indique les personnalités présentes, ce qui permet de documenter précisément la notice du film. Il nous apprend également que le site de démonstration des chars est le terrain de manœuvres du bataillon.
Ces images sont exceptionnelles et d’une grande qualité technique : on y reconnaît les chars B1 bis en dotation au bataillon depuis novembre 1939, avec leur nom peint en blanc sur les tourelles (chars Drôme, Vouvray, Vertus et Vauquois, qui effectuent la démonstration).
Le 41e BCC connait un destin tout particulier trois mois plus tard avec son engagement dans la célèbre Bataille de Stonne au sein de la 1re division cuirassée (1re DC). Du 15 au 27 mai 1940, les armées française et allemande s’affrontent pour le contrôle du village de Stonne (Ardennes) et de la crête sur laquelle il est situé. Le capitaine Pierre Billotte, chef du char B1 bis Eure, revendique lors de cet affrontement la destruction de treize chars allemands de la 10e Panzerdivision.
Aubigny-sur-Nère (Cher), février-mai 1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 949
FT 1892 – Titre de la bobine : Général Huntziger.
En 1938 est rédigée une instruction sur les Organes coopératifs des armées qui constitue une annexe au règlement sur l’organisation du Service de l’Intendance en campagne. L’organisation, mise sur pied en 1939, commence à fonctionner au début de 1940 ; elle comporte des magasins coopératifs des armées appelés couramment « coopératives militaires » avec leurs points de vente fixes et leurs camions-bazars.

France, entre le 1er mai et le 17 mai 1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/7ARMEE 43 G319
Ces rushes de tournage présentent les toutes premières images filmées de ces véhicules. Autobus urbains aménagés en camions-bazars, ils présentent toutes sortes d’articles de confection, de quincaillerie et de produits alimentaires qui nous plongent dans le quotidien de l’époque : chocolat Moreuil, lait concentré Gloria, conserves de thon blanc et de sardines, alcool Ricqlès, lames de rasoir Gillette, piles Wonder « à utiliser avant le 15 mai 1941 », etc.
Ce n’est que vers la fin du document que le général Huntziger fait son apparition, accompagné de quelques personnalités et de la presse, afin d’inaugurer cette flotte de véhicules atypiques.
France, 1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 1892
FT 914 – Titre de la bobine : Trois jours avec un régiment.
Un plan de ces rushes de tournage évoque des photographies bien connues du reportage 5ARMEE 27, qui montrent le quotidien et les activités d’un corps franc de la 5e armée en Alsace à l’avant de la Ligne Maginot. Grâce à un arrêt sur image, on peut comprendre que le caméraman était placé juste à la gauche de son binôme photographe, l’angle de prise de vue étant quasiment identique.

Alsace, entre le 11 mars et le 15 avril 1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/5ARMEE 27 E422

Activités d’un corps franc de la 5e armée en secteur alsacien.
Alsace, 1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 914
La mise en scène soignée prouve qu’il ne s’agit pas d’images prises à la dérobée. Chaque plan est savamment construit afin de constituer un stock d’images destiné à la propagande des actualités filmées. Dans ces journées de la fin de l’hiver 1940, on présente ainsi une armée aux aguets, bien équipée et entraînée, prête à défendre le territoire le long d’une ligne défensive réputée infranchissable. On y voit également des soldats qui tuent le temps sereinement en lisant, reprisant leurs effets ou écrivant leur courrier.
D’autres images complémentaires et tournées dans le même secteur (référence FT 1871) sont à mettre en parallèle de ce document.
Alsace, 1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 914
FT 780 – Titre de la bobine : Pau
Le visionnage montre avec évidence un train arrivant en gare de Pau et son accueil en fanfare, pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces rushes, assemblés de façon disparate, semblent avoir été tournés par deux opérateurs.
L’arrêt sur image d’un militaire lisant dans un compartiment le journal hebdomadaire L’Union française permet d’identifier l’édition du 9 mars 1941. Les images sont probablement légèrement postérieures à cette date.
Une recherche sur Gallica permet d’identifier un article de presse du journal France-Pyrénées du 22 mars 1941 intitulé « Six mois de détention avec pour garde la ronde des Caïmans » relatant l’événement filmé.


Les informations données par cet article et le paysage extérieur vu depuis les scènes filmées dans un compartiment permettent de restituer la chronologie des séquences.
Les rushes ont été tournés le 21 mars 1941 et montrent un train provenant de Canfranc (Espagne) à bord duquel se trouvent des soldats et des civils restés fidèles au maréchal Pétain après le ralliement de l’Afrique-Équatoriale française à la France libre et rapatriés en France.
Le train est accueilli en gare de Pau par un détachement d’honneur du 18e régiment d’infanterie et par de nombreuses personnalités civiles et militaires. Certains voyageurs descendent du train et sont accueillis par leur famille.
Un caméraman est alors probablement monté dans le train pour filmer les voyageurs poursuivant leur trajet : en effet, un long plan montre la basilique de Lourdes, aperçue à droite par la fenêtre d’un compartiment, le sens de déplacement du train le long du gave de Pau suggérant un déplacement du train vers l’est.
Pau (Pyrénées-Atlantiques), 21 mars 1941.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 780
FT 486 – Titre de la bobine : Colmar en février 1945.
Ce montage d’actualités, présenté comme une « Édition spéciale » (sans doute d’un Journal de guerre), n’est pas totalement inédit ; on en retrouve de nombreux plans dans des actualités filmées et des montages rétrospectifs. Néanmoins, on trouve dans ce film, tant pour la journée du 9 que pour celle du 10 février, des plans très longs non coupés.
La première partie est consacrée à la venue à Colmar du général de Lattre de Tassigny le 9 février 1945, pour féliciter les vainqueurs. Nous assistons à un défilé de la 28e division américaine, de la 5e division blindée et des unités ayant libéré la ville, puis à une remise de décorations.
Le second sujet s’ouvre sur la visite du général de Gaulle à Colmar le 10 février. Un carton du film indique avec erreur le 11 février, date à laquelle le général était à Strasbourg. On retrouve aux côtés du général de Gaulle, M. André Diethelm, ministre de la Guerre, les généraux de Lattre de Tassigny et Leclerc, ainsi que de nombreuses personnalités militaires françaises et alliées.

Colmar (Haut-Rhin), 10 février 1945.
© Ernest Staché/SCA/ECPAD/Terre 10105-L14
À la fin du document, le général de Gaulle prononce un discours au balcon de la préfecture, puis entonne La Marseillaise, reprise par la foule. Si le discours du général a bien été enregistré et post-synchronisé avec les images, La Marseillaise, chantée a cappella par le général et la foule, a fait l’objet d’un doublage son surprenant : au moment du premier couplet habituel (Allons enfants de la Patrie, le jour de gloire est arrivé…), la voix du général est brutalement coupée et remplacée par un enregistrement sonore avec chœur et orchestre du sixième couplet (Amour sacré de la Patrie, Conduis, soutiens nos bras vengeurs…). Peut-être ce choix a-t-il été délibérément effectué pour accompagner le discours du Général célébrant l’Alsace libérée mais aussi le fait qu’après cinq années de combat, l’ennemi expirant vient enfin de repasser le Rhin ? On aura ainsi préféré ce sixième couplet au premier, qui suggère davantage une vaillante entrée en guerre.
Colmar (Haut-Rhin), 9 et 10 février 1945.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 486
Références des extraits vidéo
Liste des neufs films dont des extraits apparaissent dans le montage vidéo Trésors retrouvés.
L’organisation du ravitaillement des armées en carburant.
France, 1939-1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 398
Tournage d’un sujet sur la sûreté aérienne par une équipe du Service cinématographique
de l’armée.
1938-1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 827
Fête du 41e bataillon de chars de combats.
Aubigny-sur-Nère (Cher), 1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 949
Les camions alimentaire des Organes coopératifs des armées.
France, 1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 1892
Soldats et groupe de corps francs du 28e régiment d’infanterie de forteresse en Alsace dans le secteur fortifié de la ligne de Maginot. Messe en plein air avec les soldats du 22e régiment d’infanterie de forteresse.
Alsace, 1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 1871
Activités d’un corps franc de la 5e armée en secteur alsacien.
Alsace, 1940.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 914
Arrivée en gare de Pau de Civils et de militaires rapatriés d’Afrique-Équatoriale française.
Pau (Pyrénées-Atlantique), 21 mars 1941.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 780
Édition spéciale : Colmar fête ses libérateurs.
Colmar (Haut-Rhin), 9 et 10 février 1945.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 486
Un parrainage.
1945.
© Auteur inconnu/SCA/ECPAD/FT 905
Les archives de l’ECPAD sont consultables à la médiathèque du fort d’Ivry et en ligne sur ImagesDéfense.