La date retenue est hautement symbolique, puisque c’est le 27 octobre 1980 que la conférence générale de l’UNESCO a adopté une recommandation portant sur la sauvegarde et laconservation des images en mouvement, marquant ainsi l’importance culturelle et historique des archives cinématographiques et télévisuelles. Cette journée mondiale offre l’occasion d’attirer l’attention du public sur la nécessité de prendre des mesures urgentes et de reconnaître l’importance des documents audiovisuels.
Préserver le patrimoine audiovisuel, c’est le conserver et le diffuser comme le fait l’ECPAD avec ses 100 000 heures de film. C’est aussi le respecter lorsqu’il vient à être réutilisé dans de nouvelles productions. Un étudiant de l’Atelier Montage d’Archives du Master 2 « Histoire du cinéma » de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne s’est penché avec humour sur les libertés que prennent certains documentaires avec les images d’archives. Dans Poilu(s), Virgile Bouveret se livre à une déconstruction de la manipulation des images en imaginant un jeune réalisateur chargé d’écrire un documentaire sur la Première Guerre mondiale et qui se demande que faire de tous ces films qui attendent aux archives qu’on les montre à nouveau ? Il s’essaye à différents styles d’écriture et de montage, gardant pour fil conducteur cette interrogation : peut-on faire un film de montage sans transformer les images ?
Poilu(s) dure 8 minutes et est à découvrir en ligne sur la chaîne YouTube de l’ECPAD.
Virgile Bouveret parle de Poilu(s)
« Longtemps j’ai regardé ces documentaires sensationnalistes sur les deux guerres mondiales dont la télévision nous abreuve à longueur de commémorations. Il n’a jamais été un secret pour la sphère académique que la méthodologie de travail des productions à l’origine de ces documentaires laissait souvent à désirer. J’invite toute personne voulant se renseigner sur le sujet à lire les articles et travaux du chercheur Laurent Véray. Cependant il me semblait assez inaudible pour le grand public d’entendre les mises en garde de nombreux historiens sur les quelques manipulations de l’images d’archive au sein de ces documentaires à succès.
L’idée d’origine était donc de créer un pastiche inspiré de ces documentaires dont le parangon en la matière est la série de téléfilms Apocalypse. Je m’y intéressais, d’une part, parce que cela représentait un exercice de style de montage très stimulant et, d’autre part, parce que, inspiré par de multiples exemples de programmes de décryptages et autres dispositifs dits de « debunkage », je voulais m’essayer depuis longtemps à un travail de déconstruction de ce type. Ainsi, pour que mon travail sur les effets de montage d’Apocalypse Verdun soit crédible, il fallait rendre convaincant le pastiche sur lequel allait reposer ma démonstration. Le rendre crédible, mais surtout le créer en toute sincérité et sérieusement pour essayer de ne pas commettre une parodie fallacieuse et m’acharner de façon malhonnête sur des tares inventées. Pour être certain de toujours rester dans le pastiche sans tomber dans la parodie grossière, il était essentiel pour moi d’utiliser, grâce au partenariat entre l’université Paris 1 et l’ECPAD, les mêmes fonds d’archive que le documentaire télé en question.
Une fois satisfait de mon pastiche, il me restait donc à réfléchir aux conditions de sa déconstruction. Le genre vidéographique du « débunkage » reposant sur une forme de théâtralisation de la déconstruction, je tenais là mes enjeux esthétiques et narratifs. Je présentais donc à ma directrice de recherche et à mes camarades de l’Atelier Montage d’Archives le principe de mon film comme un dévoilement ou « effeuillage » des couches d’effets appliquées aux images d’archives ; ce qui par dérision renvoie aussi au leitmotiv du poil présent dans tout mon film.
Finalement, j’ai choisi d’encapsuler ce dispositif dans une fiction simple, le temps d’un trajet de train me permettant de construire le film comme un fil de pensées, organique et imagé, relâché dans l’expression et digressif. À la manière d’un fil de pensée donc, le narrateur n’a pas toujours les réponses à ses propres questionnements, ce qui, je l’espère, plutôt que de présenter la parole documentaire comme nécessairement véritable, suscitera chez les spectateurs des curiosités et pourquoi pas l’envie de se plonger dans les fonds d’archives.
L’ECPAD partenaire de l’Atelier Montage d’Archives
L’Atelier Montage d’Archives a été créé en 2016 par Ania Szczepanska, maîtresse de conférence à l’université Paris 1 et historienne du cinéma, sous l’impulsion des travaux de Sylvie Lindeperg, historienne et professeure à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Dans le cadre de cet atelier, les étudiants du Master 2 Histoire du cinéma au sein du département d’Histoire de l’Art et d’Archéologie, mènent leur recherche sous la forme d’un film de montage, réalisé essentiellement à partir des fonds photographiques et cinématographiques de l’ECPAD, accompagné d’un court mémoire écrit.
Partenaire depuis 2017, l’ECPAD met à disposition de l’Atelier les documents cinématographiques et photographiques sélectionnés par les étudiants, leur propose un accompagnement scientifique dans leur recherche et leur permet de bénéficier d’une prestation de montage son grâce au soutien du pôle de production audiovisuelle de l’établissement.
Cette année, cinq étudiants ont travaillé sur les images de l’ECPAD, s’intéressant à des sujets aussi variés que la pratique sportive du soldat, les femmes tondues à la Libération, le Carnaval en Allemagne en 1945 les essais nucléaires en Polynésie (profitant de la très récente ouverture des archives sur le sujet). Tous ces films sont désormais en ligne sur la chaîne YouTube de l’ECPAD.
En savoir : Découvrez le millésime 2023 de l’Atelier Montage d’Archives