Après avoir obtenu un master recherche à l’université d’Avignon où elle a rédigé deux mémoires sur la mort des aviateurs, sous la direction de Bruno Bertherat et d’Isabelle Renaudet, Coline Villain a été récemment recrutée par l’armée de l’Air et de l’Espace en tant qu’officier chargé d’études au CESA à l’École militaire. Dans le cadre de son contrat, elle effectue une thèse sur la biographie d’un ancien chef d’état-major des armées (CEMA), le général François Maurin, sous la direction d’Olivier Wieviorka.

Ses précédentes recherches portaient sur la mort des aviateurs au cours des deux conflits mondiaux avec la particularité d’inclure la dimension mémorielle, archéologique et sociologique « L’image d’une mort idéalisée et solitaire de l’aviateur, véhiculée par la presse et les Sections photographiques et cinématographiques des armées puis le Service cinématographique des armées, cadre mal avec la réalité du terrain. »

Ce travail ambitionne de lever le voile sur cet imaginaire en abordant les violences corporelles engendrées par les crashs dans le cadre de sociétés brutalisées par le phénomène guerrier. Ceci l’amène à étudier les pratiques funéraires apportées à ces combattants d’un nouveau genre. Quels sont les impacts de l’évolution fulgurante de la violence des combats et de l’innovation technologique sur les rites rendus aux morts ? Dans un même temps, elle montre comment l’aviateur est héroïsé, voire sacralisé à travers sa mort. Quelle définition les deux conflits mondiaux donnent-ils de la mort glorieuse du pilote ? Sont-ils tous égalitaires dans la mort ?

Pour ce faire, Coline Villain a recours aux fonds relatifs aux deux conflits mondiaux. Les sources photographiques et audiovisuelles conservées à l’ECPAD sont inédites pour la réalisation de son travail dans la mesure où elles permettent de répondre aux questionnements précédents. Concernant la Seconde Guerre mondiale, elle s’est intéressée aux fonds des Propaganda Kompanien. Les thématiques de la mort à travers les clichés de cadavres, de funérailles et des monuments funéraires en lien avec l’aviation militaire ont particulièrement retenu son attention. C’est la première fois qu’elle consultait ces archives. 

Les types de clichés évoqués précédemment l’intéressent tout particulièrement car ils véhiculent l’image que l’armée veut donner de la mort des aviateurs. Leur analyse quantitative et qualitative permet d’étudier la violence des crashs, les pratiques funéraires réservées aux pilotes et de déduire s’ils sont égalitaires dans la mort et montrent comment l’institution militaire utilise l’image de l’aviateur à des fins de propagande. 

Les fonds de l’ECPAD sont particulièrement riches surtout pour le premier conflit mondial et permettent de compléter les archives conservées au Service historique de la Défense. Elles offrent le point de vue des reporters de guerre et de la propagande. 

Ses recherches à l’ECPAD lui sont très utiles car elles lui permettent de déterminer quelle est la place de la mort du pilote dans l’iconographie. Son enquête lui permet aussi de trouver des clichés d’exception qui fournissent des informations importantes sur les pratiques funéraires et sur l’attitude des populations à l’égard des défunts.

Exemple de deux clichés mortuaires datant de 1916 représentant la dépouille de l’As, le capitaine Louis Robert-de-Beauchamp (ECPAD SPA 41 L 1995-1996) au camp de Souilly sur Meuse (près de Verdun). Ces photographies sont inédites car il est rare de pouvoir photographier individuellement un défunt surtout dans une guerre de masse. Ces clichés témoignent du traitement particulier de l’aviateur, par rapport aux fantassins qui trouvent la mort par millier sur le champ de bataille et dont les corps sont laissés à l’abandon. Son statut social et sa fonction de commandant d’escadrille ont certainement motivé la mise en place de cette veillée mortuaire et la prise de ces deux clichés. Ces sources photographiques peuvent parfois démentir les propos de la presse comme c’est le cas ici : La Guerre Aérienne illustrée rapporte que le pilote a été « frappé en plein front », or sur les clichés la dépouille ne porte aucune trace de cette blessure.