1/ Pouvez-vous nous présenter « L’Année du documentaire 2023 », une initiative suggérée par La Cinémathèque du Documentaire ? Quels en sont les objectifs ?

J’ai pris la direction du Groupement d’intérêt public La Cinémathèque du documentaire* en avril 2020. J’ai rapidement eu l’intuition, puis la certitude que cette jeune institution, créée grâce à la visionnaire énergie de la cinéaste Julie Bertuccelli qui en est devenue la présidente, se devait d’imaginer un projet fort et collectif pour l’ensemble du secteur documentaire. C’est ainsi qu’a cheminé progressivement le projet rassembleur d’Année du documentaire. Tandis que de nombreux champs artistiques avaient bénéficié par le passé d’actions similaires (le cirque, les arts de la rue, la bande dessinée notamment), le documentaire méritait qu’on lui dédie une Année. Lancée officiellement par la ministre de la Culture le 23 janvier dernier, elle est portée par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), la Scam et La Cinémathèque du documentaire. Les équipes de ces trois institutions constituent le comité de pilotage. Au-delà et avant tout, il fédère et rassemble l’ensemble des acteurs où qu’ils soient et quels qu’en soit l’activité au sein du monde « documentaire ».

2/ L’ECPAD participe à cette opération nationale, notamment en sa qualité de nouveau membre du réseau de La Cinémathèque du documentaire. Quel rôle l’établissement peut-il jouer selon vous dans le cadre de cette initiative et plus durablement dans le réseau ?

À l’instar des Archives nationales, du Centre national des arts plastiques, l’ECPAD a intégré le réseau de La Cinémathèque du documentaire en 2022 en tant qu’organisme national. Institution riche d’un fonds documentaire exceptionnel, l’ECPAD est une ressource particulièrement remarquable couvrant une diversité inouïe et pour tout dire inattendue, tant dans les formats que pour les thèmes abordés. L’ensemble des membres du réseau (environ 70 début 2023) doit pouvoir s’emparer d’éléments de ces collections pour les présenter et les partager à un public large sur des territoires variés situés aussi bien en France métropolitaine que dans les Outre-mer. Cela représente un chantier important de part et d’autre tant pour sensibiliser les membres du réseau de La Cinémathèque du documentaire que pour opérer un choix de documents. Par ailleurs, La Résidence au Fort mise en place par l’ECPAD pourrait également faire l’objet de partenariats avec des membres du réseau, permettant l’accueil d’artistes liés au documentaire et la valorisation de collections d’archives.

3/ Parmi les festivals incontournables dans le cadre de « L’Année du documentaire 2023 » se trouve le festival international War on Screen que vous avez créé il y a dix ans à Châlons-en-Champagne et dont vous êtes le délégué général. Pourriez-vous expliquer les spécificités de cet évènement annuel dont l’ECPAD est l’un des partenaires fondateurs, et évoquer les liens qui unissent le festival et l’établissement ?

Unique en Europe, War on Screen est un festival dédié aux représentations des conflits à l’écran, croisant tous media, genres, publics et mettant en œuvre d’importants partenariats internationaux et originaux. Autour d’une centaine de séances dont deux compétitions, cinq rétrospectives, des expositions, des ateliers et de nombreuses actions culturelles et pédagogiques, il réunit environ 20 000 entrées. Depuis sa création en 2013, il inclut et développe un programme spécifique dédié aux images d’archives intégrant la projection de longs métrages, souvent en avant-première, ainsi que la création de films fondés sur des images d’archives méconnues. Le festival a la chance de pouvoir compter, depuis ses débuts, sur un partenariat essentiel avec l’ECPAD. Le lien étroit qui unit les deux acteurs culturels s’est construit spontanément autour des mêmes thèmes, de la même volonté de partager, de décrypter, de valoriser les traces de mémoires individuelles et collectives dans leur complexité et leur diversité. L’arrivée de Gilles Ciment à la direction-adjointe a contribué à renforcer les liens et la richesse des propositions mutuelles. Celle de Laurent Veyssière a continué de fortifier ces échanges. Leur présence au fil des ans, la participation de leurs équipes ainsi que le soutien du ministère des Armées et de l’engagement de sa Mission cinéma et industries créatives illustrent l’originalité et la singularité du festival dans ses contenus. La région Grand-Est, via son programme européen Cineuro s’appuie sur War on Screen pour envisager un programme transfrontalier dédié aux images d’archives et le festival a immédiatement souhaité associer l’ECPAD à cette réflexion qui réunit également des institutions belges, luxembourgeoises, allemandes et suisses. Pour en revenir au partenariat ECPAD/War on Screen, il a pour force d’être ouvert à des projets originaux (à l’exemple de la commande faite aux plasticiens Christian Volckman et Raphaël Thierry d’une fresque et d’une installation vidéo à partir de photos du fonds ECPAD et présenté lors du festival) et de bénéficier tout au long de l’année de la compétence engagée d’équipes enthousiastes, réactives, imaginatives et disponibles. S’il en est un, ce partenariat est aussi libre qu’idéal et polymorphe. Pour le festival, il est particulièrement précieux et unique.

* La Cinémathèque du documentaire est un Groupement d’intérêt public (G.I.P.) créé sous la tutelle du ministère de la Culture et soutenu par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), France Télévisions, la Société civile des auteurs multimédia (Scam), la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), le groupe de protection sociale Audiens et la Procirep.

©Stéphanie JAYET