1. Vous êtes réalisateur de documentaires historiques : pourquoi avoir choisi la forme du spectacle vivant pour sensibiliser la jeunesse aux problématiques de défense et de mémoire ? Pourriez-vous revenir sur l’origine du spectacle D’une guerre l’autre (1914-1945) ?

L’origine du spectacle repose sur un constat : les jeunes générations regardent moins la télévision, et la regardent différemment. Comment les atteindre ? J’ai voulu aller vers eux, les prendre au sérieux et leur proposer un spectacle sur mesure.
Mon ciné-concert a été monté au Grand Rex devant plus de 2 000 lycéens d’Île-de-France, avec l’Orchestre de la Garde républicaine et deux jeunes acteurs, Marilou Aussilloux et Julien Frison, de la Comédie française. En projetant des images issues de mes films, en interprétant sur scène notre musique originale, en faisant lire des lettres écrites il y a un siècle par de jeunes Français, Allemands, Belges et Italiens, j’ai voulu plonger les élèves dans la fournaise des deux guerres mondiales, de 1914 à 1945.
À l’heure du retour de la guerre en Europe, le but était d’examiner les choix qui se sont posés à leurs arrière-arrière-grands-parents : comment s’engager en période de crise et comment ne pas se tromper d’engagement ? Ce spectacle étant une évocation historique, il m’est toutefois vite apparu qu’il devait être préparé en amont par les professeurs. Avec la Ligue de l’enseignement, j’ai donc proposé des ateliers pédagogiques aux lycées partenaires, qui ont été suivis par plus de 1 600 élèves. Enfin, pour compléter le programme, j’ai proposé au Centre d’histoire de Sciences Po Paris de monter une table ronde sur la Pax europeana depuis 1945. Elle se tiendra le 19 avril devant 300 professeurs d’histoire-géographie et clôturera notre programme sur un mode universitaire.

2. Vous avez coproduit en 2016 avec l’ECPAD le documentaire Verdun, ils ne passeront pas à partir des archives de l’établissement. Quel a été l’apport des fonds de l’ECPAD au film ? Comment avez-vous utilisé ces images dans votre spectacle ?

La question qui se posait était celle-ci : quelles images d’archives authentiques pouvait-on espérer découvrir sur la bataille de Verdun ? Pour avoir réalisé en 2010 un portrait de Philippe Pétain en coproduction avec l’ECPAD, je connaissais une partie des fonds de la Section cinématographique de l’armée française. Je savais que les films sur Verdun étaient rares et fragiles mais que des trésors d’archives existaient. Je me souviens de très beaux plans montrant les soldats français progresser dans des tranchées inondées, de poilus marchant sur la Voie sacrée, de la prise des forts de Douaumont et de Vaux, de la population parisienne vêtue de noir en 1916… Beaucoup de ces films sont émouvants car ils regorgent de « regards caméras », les combattants et les civils étant surpris d’être filmés. Mais ces images étaient en nombre insuffisant pour réaliser un documentaire de 80 minutes. J’ai donc également utilisé des images de fiction tournées après la bataille, tant du côté français qu’allemand. Toutes ces images ont par la suite été utilisées dans mon spectacle du Grand Rex, et mélangées à des plans subjectifs que nous avons nous-mêmes tournés à Verdun. Pour évoquer la Première Guerre mondiale (quand le cinéma faisait ses débuts), pas d’autre choix que d’être inventif.

3. Pour quelles raisons avez-vous fait appel à l’ECPAD pour la captation de votre spectacle et en quoi cette captation revêt-elle une importance particulière pour la suite de ce projet ?

Ce spectacle monté avec la Garde républicaine a bénéficié d’une importante subvention de la direction de la Mémoire, de la Culture et des Archives (DMCA) du ministère des Armées, qui avait déjà soutenu plusieurs de mes documentaires. Ce soutien au long cours, ainsi que le volume d’archives provenant des fonds de l’ECPAD, m’ont logiquement conduit à proposer à Laurent Veyssière, le directeur de l’ECPAD, de réaliser la captation du spectacle. Exécutée de main de maître par le réalisateur Maxence Carion et ses équipes, cette captation a été pour moi une expérience nouvelle. L’exercice du direct est en effet très différent de celui du montage, lequel s’étale sur plusieurs mois pour chaque documentaire. Une captation audiovisuelle impose des contraintes autres que celles du spectacle vivant : par exemple, faut-il éclairer la salle, ou au contraire la plonger dans l’obscurité et n’éclairer que la scène ? Grâce aux sept caméras (dont une grue) disposées par l’ECPAD au Grand Rex, le résultat final est impressionnant. Alternant travellings, panoramiques, plans larges et serrés sur les acteurs, les musiciens, les instruments, le public et l’écran, les caméras pilotées depuis le car-régie mettent en valeur la salle Art déco du Grand Rex. Sur deux niveaux de lecture, cette captation restitue l’intrigue sur scène autant que le spectacle en marche. Elle sera envoyée aux rectorats de France dans le but de monter le spectacle en province. Elle sera diffusée sur les réseaux pédagogiques et proposée aux chaînes de télévision. 

Serge de Sampigny